Pouce, tétine : Que dire ? Que faire ?

Dans les années 80, les enfants suçaient plus fréquemment leur pouce qu’une tétine. Longtemps décriée dans le monde médical pour son côté peu hygiénique et abêtissant, la sucette était surtout répandue dans les milieux sociaux défavorisés.
Redoutant que la succion prolongée du doigt s’accompagne d’une déformation des arcades dentaires et d’une altération de l’engrènement des dents, l’utilisation de la tétine a alors été encouragée au motif qu’il était plus facile de se débarrasser de la tétine que du doigt.
 
 
L’analyse récente de la littérature démontre l’évolution progressive d’une succion prépondérante des doigts dans les années 80 à celle prépondérante de la tétine dans les années 2000. Initialement maternelle, la tétine à été mise hors de cause dans une récente revue systématique de la littérature, pour peu que son introduction soit proposée après s’être assuré du bon démarrage de l’allaitement, au bout d’un mois. Mieux encore, il a été avancé un effet protecteur de la tétine vis-à-vis de la mort subite du nourrisson. La rédemption de la tétine était complète…
 
Récente étude
 
Plus de 8 enfants sur 10 ont développé une habitude de succion. Parmi eux, 80 % ont choisi la tétine, 13 % le doigt et 7 % le « doudou » (peluche ou linge). La succion digitale était plus fréquente chez les filles, et serait encouragée par le fait que les papas soient trop occupés par une activité professionnelle intense…
La recherche des facteurs de risque de la succion d’une tétine confirme le rôle protecteur de l’allaitement maternel exclusif, mais aussi l’importance de la disponibilité du papa et du mode de garde (la crèche collective favoriserait le recours à la sucette).
A l’âge de 4 ans, près de 80 % des enfants concernés suçaient toujours leur doigt, alors qu’environ la moitié des suceurs de tétine ou de doudous ont abandonné leur mauvaise habitude. La tétine souvent présentée comme facile à abandonner ne l’est donc pas tant que ça puisque près d’un enfant sur deux continuait à sucer la tétine à 4 ans.
Les enfants ayant eu des habitudes de succion présentaient plus de déformations que les autres. L’interposition d’un doudou serait moins délétère que la succion du doigt ou de la tétine.
Ceux qui continuaient à sucer une tétine à 4 ans présentaient plus fréquemment des déformations buccodentaires.
 
Les anomalies les plus fréquentes sont les béances antérieures (espace ouvert antérieur, bouche fermée) et les déformations induites par la tétine sont plus complexes et plus difficiles à traiter : près de 20 % des enfants suceurs de tétines présentent des déformations intéressant à la fois le sens vertical et le sens transversal.
Ces dernières années, de nombreux travaux ont étudié les effets sur les arcades dentaires des différents types de succion prolongée pouce ou tétine.
 
Pour chaque année de persistance de succion au- delà de 12 mois, le risque de développer une béance est multiplié par 3.38.
Les malocclusions apparaissent associées à des succions de tétine de plus courte durée que les succions digitales.
Une étude portant sur des enfants de 5 ans montre que, si la béance antérieure ne peut pas être associée à un mode de succion plus qu’à un autre, il y a significativement plus d’occlusions inversées postérieures chez les enfants avec tétine, et plus de décollages incisifs augmentés chez les suceurs de pouce.
L’analyse d’un groupe d’enfants en denture mixte suivi depuis la naissance jusqu’à 8 ans, montre l’association possible entre succion sur une période supérieure à 3 ans et occlusion postérieure inversée. De plus, les enfants encore suceurs de tétine, ou l’ayant été entre 24 et 47 mois sont confrontés à des béances antérieures et des décollages molaires, alors que les succions digitales, lorsqu’elles durent plus de 60 mois, provoquent plus volontiers des béances.
 
Enfin, si le surplomb incisif augmenté et la béance antérieure pourront se corriger spontanément ou aisément, l’occlusion postérieure inversée, elle, ne peut se corriger spontanément.
Pour conclure, les habitudes de succion pourraient être prévenues par un allaitement maternel exclusif, au moins pendant les premières semaines. Nous avons également mis en évidence l’importance du rôle du papa auprès de leurs jeunes enfants à travers les habitudes de SNN.
De plus, près d’un suceur de tétine sur deux poursuit cette mauvaise habitude à l’âge de 4 ans, âge auquel les déformations sont de plus en plus importantes et difficiles à corriger.
Il semble déraisonnable de parler de sucette « physiologique » et encore plus de tétine « orthodontique » puisque, lorsqu’elle est prolongée, cette habitude de succion est tout aussi délétère que la succion digitale. La question de l’indispensable sevrage mérite donc d’être abordée. Que le besoin de succion soit satisfait par le pouce, les doigts ou la tétine, peu importe. L’habitude de succion doit être impérativement limitée, la tétine doit être abandonnée avant l’âge de 2 ans ! Dès lors, c’est tout le comportement de l’enfant qui en sera amélioré : il retrouve toute sa liberté de parler et de jouer…